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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/230

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Sa robe est mon linceul, et mes peuples me pleurent…
Non ! non ! je ne veux pas que ces deux enfants meurent !
Vivre est un don du ciel trop visible et trop beau !
Dieu, qui sait où l’on va, peut ouvrir un tombeau ;
Un roi, non… Je les rends tous deux à leur famille ;
Ils vivront… Ce vieillard et cette jeune fille
Me béniront ! C’est dit.

(Il signe.)

J’ai signé, moi, le roi !
Le cardinal sera furieux ; mais, ma foi !
Tant pis ! cela fera plaisir à Bellegarde.

Et Langely dit à demi-voix ;

On peut bien, une fois, être roi, par mégarde !

Quel chef-d’œuvre que cet acte ! Et quand on pense que, lorsque, M. Crosnier était pressé, et qu’il avait besoin de changer son spectacle, il supprimait cet acte, qui au dire de la critique, faisait longueur !

Au cinquième acte, la grâce est révoquée. Les jeunes gens doivent mourir. On les amène un instant respirer l’air dans la cour du cachot. Didier s’entretient avec le spectre de la mort, visible pour lui seul ; Saverny dort son dernier sommeil. En se prostituant à Laffemas, Marion a obtenu que le juge lui laisserait sauver son amant, et elle entre en disant, toute brûlée des morsures du juge :

Sa lèvre est un fer rouge, et m’a toute marquée !

Supposez que mademoiselle Mars, qui n’a pas voulu dire :

Vous êtes, mon lion, superbe et généreux !

eût en un pareil vers à dire, et voyez la lutte entre elle et l’auteur. Mais Dorval trouvait cela tout simple, elle, et elle disait ce vers avec une expression admirable.