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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/229

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

marquis de Nangis, perdus au milieu d’une troupe de bateleurs ; où Didier apprend de Saverny que Marie et Marion ne font qu’une même femme, et où, le cœur brisé par une des plus grandes douleurs qui puissent ensanglanter la poitrine d’un homme, il se livre de lui-même au lieutenant criminel.

Le quatrième acte est un chef-d’œuvre. On a dit que ce quatrième acte ne tenait pas plus à la pièce qu’un tiroir à une commode ; soit ! mais, dans ce tiroir, l’auteur a serré le véritable trésor de la pièce : le caractère de Louis XIII, le roi ennuyé, triste, maladif, faible, cruel, superstitieux, qui n’a que son bouffon pour le distraire, et qui ne parle avec son bouffon que d’échafauds, de têtes coupées, de tombeaux, n’osant se plaindre qu’à lui de la dépendance où le tient le terrible cardinal.

Dans un moment de dépit, l’entendez-vous dire à Langely :

Crois-tu, si je voulais, que je serais le maître ?

Et Langely, toujours fidèle, répond par ce vers devenu proverbe :

Montaigne dit : « Que sais-je ? » et Rabelais : « Peut-être ! »

Enfin, il brise un instant sa chaîne, prend la plume ; et, prêt à signer la grâce de Didier et de Saverny, à son fou, qui lui dit :

Toute grâce est un poids qu’un roi du cœur s’enlève !

il répond :

Tu dis vrai : j’ai toujours souffert, les jours de Grève !
Nangis avait raison, un mort jamais ne sert,
Et Montfaucon peuplé rend le Louvre désert.
C’est une trahison que de venir, en face,
Au fils du roi Henri nier son droit de grâce !
Que fais-je ainsi, déchu, détrôné, désarmé,
Comme dans un sépulcre en cet homme enfermé ?