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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/255

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

laquelle il demandait à la Chambre dix-huit millions de liste civile, — quinze cent mille francs par mois, — cinquante mille francs par jour ; sans compter ses cinq millions de rente comme fortune personnelle, et deux ou trois millions de dividende dans des entreprises particulières.

Déjà M. Laffitte, un an auparavant, avait glissé sous les yeux de la commission du budget une note tendante à fixer la liste civile du roi à dix-huit millions.

La commission avait lu la note, et, il faut lui rendre cette justice, elle en avait été effrayée au point de ne pas oser la produire. Cette note avait laissé même une très-fâcheuse impression ; si fâcheuse, qu’il avait été convenu entre le ministre et le roi, que le roi écrirait au ministre une lettre confidentielle dans laquelle le roi dirait que ses désirs ne s’étaient jamais élevés jusqu’au chiffre de dix-huit millions, et qu’il allait mettre cette demande sur le compte de ces courtisans trop empressés qui compromettent, par leur dévouement, le pouvoir royal qu’ils croient servir.

Cette lettre confidentielle avait été confidentiellement montrée, et avait produit un excellent effet.

Mais, quand on sut à la cour que la révolte de Lyon n’avait rien de politique, et que les canuts ne s’étaient révoltés que parce qu’ils ne pouvaient pas vivre avec dix-huit sous par vingt-quatre heures, on jugea que le moment était venu de donner au roi ses cinquante mille francs par jour.

On demandait, pour un seul homme, ce qui, à cent vingt lieues de là, suffisait à la vie de cinquante-quatre mille hommes.

C’était trente-sept fois plus que n’avait demandé Bonaparte, premier consul, et cent quarante-huit fois plus que ne touche le président des États-Unis.

Le temps était d’autant plus mal choisi, que, le 1er janvier 1832, — nous anticipons de trois mois sur les événements, — le bureau de bienfaisance du douzième arrondissement publiait la circulaire suivante :

« Vingt-quatre mille personnes inscrites sur les contrôles