Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
253
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

du douzième arrondissement de Paris manquent de pain et de vêtements. Beaucoup sollicitent quelques bottes de paille pour se coucher. »

Il est vrai que la demande de dix-huit millions de liste civile était motivée sur les besoins royaux. Chaque besoin avait son chiffre.

Ainsi, tandis que cinq ou six mille malheureux du douzième arrondissement sollicitaient quelques bottes de paille pour se coucher, le roi avait besoin de quatre-vingt mille francs, pour les médicaments nécessaires à sa santé ; le roi avait besoin, pour son service personnel, de trois millions sept cent soixante et treize mille cinq cents francs ; le roi avait besoin d’un million deux cent mille francs pour chauffer les fourneaux souterrains de sa bouche.

C’était beaucoup de remèdes, on en conviendra, pour un roi dont la santé était devenue proverbiale, et qui savait assez de médecine pour se passer de médecin, dans ses indispositions ordinaires ; c’était un grand luxe pour un roi qui avait supprimé grand écuyer, grand veneur, grand maître des cérémonies, toutes les grandes charges de l’État, et qui avait lancé le programme nouveau en France d’une petite cour moitié bourgeoise et moitié militaire ; enfin, c’était beaucoup de bois et de charbon donné à un roi qui avait à lui, soit comme propriété paternelle, soit comme apanage les plus belles forêts de l’État.

Il est vrai que l’on calcula que la vente de bois que faisait annuellement le roi, et qui suffisait à chauffer le dixième de la France, ne suffisait pas à chauffer les fourneaux souterrains du Palais-Royal.

On calcula bien autre chose.

C’était le temps des calculs. Il y avait, à cette époque-là, un grand calculateur qui est mort depuis, et qu’on appelait Timon le Misanthrope. Ah ! s’il n’était pas mort !…

Il calcula que, dix-huit millions de liste civile, c’était :

La cinquantième partie du budget de la France ;

Ce que produit la contribution de nos trois départements