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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/45

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

couleur, il leur expliqua de quelle manière, elles, pauvres filles, protestaient contre le privilège des femmes honnêtes.

Il va sans-dire qu’au fur et à mesure que cette doctrine se faisait jour, elle portait une certaine inquiétude dans l’esprit des magistrats, qui n’étaient pas à la hauteur de la religion nouvelle, plongés qu’ils se trouvaient dans les ténèbres du christianisme. Deux ou trois fois, on fit venir le Mapah chez le juge d’instruction, et on le menaça d’un procès ; mais, de sa main nerveuse et fine tout à la fois, le Mapah secouait sa blouse, comme l’ambassadeur romain avait secoué sa toge.

— Emprisonnez-moi, jugez-moi, condamnez-moi, disait-il ; je n’en appellerai pas du tribunal correctionnel à la cour royale ; j’en appellerai de Pilate au peuple !

Et, en effet, soit que l’on craignit sa barbe, sa blouse, sa parole, qui, en réalité, était entraînante, soit qu’on ne jugeât point à propos de donner au nouveau dogme le piédestal de la police correctionnelle, ou de la cour d’assises, on laissa le Mapah tranquille.

Le plus ardent des apôtres évadiens était celui qui fut Caillaux et qui publia l’Arche de la nouvelle alliance.

C’était le saint Jean du Mapah ; l’Arche de la nouvelle alliance est l’évangile qui raconte la passion de l’humanité, aux cris de laquelle s’était levé le Christ de l’île Saint-Louis.

Nous consacrerons un chapitre à cet évangile.

Quant au Mapah, il n’écrivait point. À part deux ou trois manifestes datés de son grabat apostolique, et dans lesquels il annonçait son apostolat au monde nouveau, il ne faisait guère que des tableaux et des ouvrages en plâtre que l’on eût pu croire tirés de quelque temple d’Isis. C’est là que, prenant sa religion à son origine, il la montrait, sous son double symbole, se développant de siècle en siècle, fécondant toute la nature, et, enfin, se résumant en lui. Toute cette histoire, écrite en signes hiéroglyphiques qui avaient l’avantage de pouvoir être lus et expliqués par tout le monde, traversait le bouddhisme, le paganisme et le christianisme pour arriver à l’évadisme.

Dans les dernières années du règne de Louis-Philippe, le