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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/46

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Mapah envoyait ses tableaux allégoriques et ses symboles de plâtre aux membres de la chambre des députés et aux membres de la famille royale ; on devine bien que membres de la Chambre, membres de la royauté, laissaient les lithographies et les symboles aux mains des huissiers et des laquais, qui en faisaient l’ornement de leurs mansardes. Le Mapah en gémissait pour eux.

— Ils méprisent, disait-il la prophétie : le mané thécel pharès ; il leur arrivera malheur !

Il leur arriva ce que vous savez.

Un jour, Chaudesaigues — bon et pauvre garçon, mort bien avant l’âge, dont j’aurai à parler aussi à son tour, — me proposa de me conduire chez le Mapah : j’acceptai.

Le Mapah me reconnut pour avoir dîné ou soupé un soir avec moi, du temps qu’il était Gannot ; il avait gardé un bon souvenir de cette rencontre ; aussi voulut-il, du premier coup, me mettre en rapport avec ces figures symboliques, et me faire pénétrer, comme les initiés égyptiens, jusqu’au fond des plus secrets mystères.

Je venais, par hasard, d’étudier assez sérieusement toutes les questions du monde primitif, et ces grandes guerres sans cause apparente qui désolèrent les premiers âges de l’humanité ; j’étais donc en mesure, non-seulement de comprendre parfaitement les traditions les plus obscures de la religion du Mapah, mais encore de les faire comprendre à d’autres.

C’est ce que je vais essayer ici.

À l’époque où les Celtes firent la conquête de l’Inde, cette aïeule des civilisations égyptienne, grecque et romaine, ils y trouvèrent établi un système complet de sciences métaphysiques et physiques ; cette cosmogonie atlantique rapportait tout à l’unité absolue, et faisait tout émaner d’un seul principe ; ce principe unique, nommé Iswara, était purement spirituel.

Mais bientôt les savants indiens s’aperçurent avec épouvante que ce monde, qu’ils avaient longtemps considéré comme le produit d’une unité absolue, était incontestablement celui d’une duité combinée.