Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

aspect politique. Le sacerdoce suprême, qui d’abord avait commencé par se tenir en dehors de toute controverse, sacrifiant également à Iswara et à Pracriti, au pouvoir génératif et au pouvoir conceptif ; le sacerdoce, qui était longtemps resté neutre entre le bidja et le sakti, fut obligé de se prononcer, et, comme il était composé d’hommes, c’est-à-dire de pouvoirs génératifs, il se prononça pour les mâles, et proclama la dominance du sexe masculin sur le sexe féminin. 

Ce jugement passa, comme on l’imagine bien, pour tyrannique aux yeux des pracritistes, c’est-à-dire des partisans du pouvoir conceptif ; ceux-ci se révoltèrent, le gouvernement voulut réprimer la révolte, et, dès lors, la guerre civile fut déclarée.

Qu’on se figure sur une immense échelle, dans un empire de plusieurs centaines de millions d’hommes, une guerre comme celle des albigeois, comme celle des vaudois, comme celle des protestants.

Sur ces entrefaites, deux princes de la dynastie régnante[1], issus tous deux du roi Ougra, l’aîné ayant nom Tarak’hya, le cadet Irshou, divisèrent l’empire indien, moins par conviction que pour se faire des prosélytes. L’un prit pour signe le bidja, l’autre le sakti. Les partisans de chacun de ces deux symboles se réunirent à l’instant même à celui qui représentait sa croyance, et l’Inde eut une guerre à la fois politique, civile et religieuse, Irshou, le cadet des deux frères, ayant positivement déclaré qu’il rompait avec le sacerdoce, et qu’il adorait la faculté conceptive ou féminine, comme la cause première de l’univers, lui accordant l’antériorité et la prééminence sur la faculté générative ou masculine.

Une guerre politique peut se terminer par un partage d’empire ; une guerre religieuse n’a pas de fin : les sectes s’exterminent et ne se convainquent pas. Une guerre acharnée, mortelle, sans miséricorde, désola donc l’empire. Comme Irshou représentait l’opinion populaire, le socialisme du temps, et

  1. Voir, pour les détails de cette guerre, le Scanda-Pousana et le Brahmanda.