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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/88

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

fleurs de lis, faisait ce sacrifice à l’émeute : on grattait les blasons de ses voitures, et on mutilait les balcons en fer de son palais.

Le lendemain, une ordonnance parut au Moniteur, qui changeait les trois fleurs de lis de Charles V en deux tables de la loi. Si la généalogie s’établissait par les blasons, on eût pu croire que, au lieu de descendre de saint Louis, le roi de France descendait de Moïse !

Seulement, les nouvelles tables de la loi, contrefaçon de celles du Sinaï, n’avaient pas même l’excuse d’avoir été acceptées au milieu du tonnerre et des éclairs.

Ce fut ce jour-là que, sur le bureau de Lamy, le secrétaire de madame Adélaïde, voyant les palefreniers occupés à gratter les voitures du roi, et trouvant que ce n’était point ainsi que les fleurs de lis devaient sortir de la maison de France, j’écrivis ma seconde démission, la seule qui parvint au roi, et qui fut acceptée.

Elle était conçue en ces termes :

« 15 février 1831.
» Sire,

» J’ai eu l’honneur de demander, il y a trois semaines, une audience à Votre Majesté : j’avais l’intention de lui offrir de vive voix ma démission ; car je voulais lui expliquer comment, en faisant cela, je n’étais ni un ingrat ni un capricieux.

» Sire, il y a longtemps que j’ai écrit et imprimé que, chez moi, l’homme littéraire n’était que la préface de l’homme politique.

» L’âge auquel je pourrai faire partie d’une chambre régénérée se rapproche de moi.

» J’ai la presque certitude, le jour où j’aurai trente ans, d’être nommé député ; j’en ai vingt-huit, sire.

» Malheureusement, le peuple, qui voit d’en bas, et de loin, ne distingue pas les intentions du roi des actes des ministres ; or, les actes des ministres sont arbitraires et liberticides. 

» Parmi ces hommes qui vivent de Votre Majesté, et lui di-