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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 9.djvu/76

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

harnaché en chasseur, avec ses deux chiens. Quinze rabatteurs, prévenus de la veille, nous attendaient à la porte.

La toilette des chasseurs est vite faite. On alluma un grand feu : il n’y avait pas moyen de manger les restes du souper de la veille : on se contenta d’une croûte de pain trempée dans du vin blanc.

D’ailleurs, Gondon parla d’un gigot froid qu’on prendrait chez lui en passant, et que l’on mangerait dans la forêt, autour, d’un grand feu, entre deux battues ; cette prévenance ramena le sourire sur les lèvres des plus moroses.

Un quart d’heure après, nous étions en chasse.

On a ses jours d’adresse comme ses jours de courage. Champagny, excellent tireur d’habitude, tira, ce jour-là, comme un cocher de fiacre, et attribua sa maladresse à l’exiguïté du canon de son fusil. En effet, je ne sais à quel propos il chassait avec une espèce de pistolet à deux coups.

Tony Johannot était, je crois, un simple amateur en fait de chasse.

Géniole débutait.

On sait que Louis Boulanger chassait, son crayon d’une main, son album de l’autre.

Nous nous trouvions donc, Gondon et moi, — vieux chasseurs tous deux, et ayant des armes de longueur, — nous nous trouvions donc ainsi les rois de la chasse.

Cette chasse ne mérite pas autrement de description particulière ; cependant, un épisode s’y passa qui, depuis, a donné lieu, dans la forêt de la Ferté-Vidame, à pas mal de gageures entre les gardes de la forêt et les chasseurs parisiens mes successeurs.

Nous étions placés sur une ligne, comme c’est l’habitude en battue, et j’avais choisi pour mon poste l’angle formé par un petit sentier étroit et la grande route.

J’avais devant moi le sentier, horizontalement vu, et, derrière moi, la grande route, transversalement placée.

À ma droite était Tony Johannot ; à ma gauche, Géniole.

Les rabatteurs poussaient le gibier vers nous. Tout animal chassé, lorsqu’il rencontre une route, et surtout un sentier,