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Page:Dumont - Paris-Éros. Première série, Les maquerelles inédites, 1903.djvu/146

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Elle fournissait le souper, le champagne et les extras.

Les huit servantes qu’elle gageait avaient licence de se prêter aux jeux moyennant abandon de la moitié de la recette à la vénérable maquerelle.

Mme Lamirale n’avait qu’une terreur, celle d’être carottée ; aussi sa surveillance s’étendait-elle sur toutes les parties du service et surtout sur ses nouveaux clients, depuis qu’elle avait été roulée dans les grands prix.

Elle s’était amourachée d’un Américain — un ingénieur venu à Paris pour y lancer une invention qui devait le rendre cent fois millionnaire. Il lui avait promis hôtel, château, bijoux, tableaux, soieries, dentelles et chevaux. Il lui avait montré ses titres : des liasses de papiers, certifiés véritables par nombre de contrôleurs officiels des deux mondes. La gérante lui avait lâché sa bourse pour faire marcher l’affaire. Chaque jour le futur cent fois millionnaire lui répétait que cela marchait même très bien, qu’elle n’avait plus qu’à attendre.

Elle attendit en effet longuement, avec une patience d’abrutie, d’hallucinée, jusqu’à ce qu’une nuit elle ne pût plus douter qu’elle était roulée dans sa galette et ses espérances.

Après l’avoir ligottée comme un saucisson de Bologne dans son sommeil, l’ingénieux monteur de coups l’avait dévalisée jusqu’aux nattes de ses