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Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/15

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sonnable, ou bien lui ne comprenait rien à cela. L’orgueil pousse souvent les hommes à tenir ce qu’ils ignorent pour inexistant. Mais Jean Dué n’avait aucun orgueil. Il devinait donc que cette joie gaillarde et hardie, familière et galante, dont Shakespeare témoigne, dut, jadis, exister et sans doute même aujourd’hui. Mais ce n’était là matière propre aux études, ni bonne à insérer dans la vie des grands bourgeois qui comptent trois siècles et plus de noblesse judiciaire.

Cette conclusion irrita le jeune homme. Quoi donc ! Son destin serait-il prévu de telle sorte que la moitié du comportement des hommes, et le plus divertissant, lui fût d’avance interdit ? Il prit un autre livre et l’ouvrit. Cet ouvrage de haute critique prétendait à l’infaillible impartialité. Jean, qu’une aiguë perspicacité guidait devina, soudain, derrière les jugements sur les œuvres et sur les hommes, autre chose que ce qu’exprimaient les mots. Camaraderies ou haines de métier, jalousies, rancunes issues de la vie parisienne, maîtresses convoitées ou dédaignées, hostilités politiques, et, en sus, tous les sentiments bas qu’aggrave l’intellectualité, avaient inspiré les jugements de cet ouvrage. Le flux d’érudition dont l’auteur usait ne devait point avoir d’autre but que de cacher, de « camoufler », comme on