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Page:Duplessis - Aventures mexicaines, 1860.djvu/189

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ne dura que quelques secondes, cependant elle suffit au taureau pour se précipiter d’un bond sur lui et l’envoyer rouler à dix pas de son cheval.

Il se fit un silence de mort. Le taureau s’acharnerait-il après le cheval, ainsi que cela arrive souvent, ou bien tournerait-il sa rage contre le cavalier ? Ce fut, hélas ! contre le cavalier ! Plantant ses deux cornes longues et effilées en pleine poitrine du ranchero, avant qu’il fût possible de venir à son secours, le taureau le souleva à sa hauteur, puis, l’agitant en tous sens par de brusques mouvements de tête, l’envoya enfin voltiger à vingt pieds en l’air. Lorsque le ranchero retomba, son corps rendit sur le sol un son mal et étouffé ; ce n’était plus qu’un cadavre.

Cette mort inattendue causa aux dix mille spectateurs présents un enthousiasme qui me parut tenir du délire. « Bravo toro ! que viva el toro ! » s’écriaient les hommes, en agitant leurs chapeaux et les femmes en faisant onduler leurs rebozos ou leurs mantilles.

Ce tragique, incident suspendit un instant les courses ; je crus, remarquer, à leurs prudentes évolutions, que plusieurs amateurs se seraient résignés, sans opposer trop de difficulté, à abandonner la partie ; mais la plèbe, enivrée par l’odeur et par la vue du sang, formait autour de l’arène une barrière compacte et formidable que nul cavalier n’aurait pu franchir.