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Page:Duplessis - Aventures mexicaines, 1860.djvu/55

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ment convaincu de son propre mérite. La vue du mari servait à faire briller d’un éclat plus vif la vertu de la séduisante Jesusita. Quant à la tendre Lucinda Flores, à qui l’absence de l’ingrat Amador avait permis de montrer, lors du départ de la diligence, toute la sensibilité de son cœur, elle me parut plus affreuse encore au grand jour qu’à la lumière. Néanmoins doña Lucinda Flores était habillée ou pour mieux dire costumée avec toute la prétention possible, et son corps énorme ressemblait, par suite d’un malheureux et inintelligent emprunt fait aux modes d’Europe, à un ballot de rubans renversé : par la raison que doña Lucinda était luxueusement vêtue, doña Jesusita Moratin portait un négligé d’une extrême simplicité. Le quatrième voyageur, le ranchero blessé, que l’on avait appelé le premier sous le nom d’Esteban Camote, n’attira point mon attention. Le digne habitant de l’intérieur des terres, depuis notre départ de Mexico, en était à sa dixième cigarette : il semblait, placé à côté du sénateur, parfaitement à son aise et ne s’occupait en rien des voyageurs. Le type du ranchero mexicain tient beaucoup de celui du Mohican : toujours digne et impassible, rien ne l’étonne ni ne l’émeut ; seulement le ranchero l’emporte sur le Mohican en ce que sa gravité n’est point imperturbable dans le plaisir, et que, grâce au sang