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Page:Duplessis - Aventures mexicaines, 1860.djvu/74

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— Où sommes-nous donc, señor ? demandai-je à Camote qui fumait à mon côté.

— Nous sommes dans le Pinal, à une lieue environ de Huamantla, me répondit-il.

Je mis aussitôt la tête à la portière, ces parages, la première fois que je les avais vus, cinq ans auparavant, m’avaient vivement impressionné. En effet, le Pinal[1] est l’endroit le plus horriblement beau que puisse rêver une imagination exaltée à la manière de Salvator-Rosa. À la droite du voyageur qui vient de Mexico, s’élève une haute montagne, droite, rocailleuse et couverte d’une forêt de sapins archi-centenaires : on dirait une monstrueuse tête de géant à l’épaisse chevelure. Ces sapins que la vieillesse et surtout les orages n’ont pas plus respectés que la hache de l’homme, présentent un désordre inextricable. Les rois d’entre eux, qui ont été frappés dans leur orgueil par la foudre, s’arrêtent de chute en chute, suspendus aux sommets des arbres d’un plan inférieur, et forment des ponts aériens dans l’espace, renouvelant ainsi pour les voyageurs les angoisses de l’épée de Damoclès. La route est bordée du côté opposé par un précipice, au fond duquel on aperçoit,

  1. Pinal signifie une grande plantation de pinos ou de sapins.