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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/265

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n’ai plus de sommeil, d’intelligence, de santé, plus de courage, plus de cœur, je me déteste. Va-t’en. Quand je pense à l’aveuglement stupide, à la persévérance et au génie que j’ai usés pour devenir le ridicule héritier du rebut de ce braconnier, de cette brute. Quand je pense que j’ai sué toutes mes sueurs pour parvenir à être le bouffon de la canaille du village !…

Louis s’arrêta. S’il se trompait, si toutes ses violences étaient injustes !… Au moins que Lévise répondît, qu’elle fût non moins violente, qu’elle lui donnât motif à la briser sous ses pieds, pour que cette crise finît, pour qu’il fût délivré de cet état exécrable.

— Si tu veux que je parte, dit Lévise pleine de désolation, je m’en irai, je te l’ai déjà proposé. Je pensais bien que j’étais une charge et un embarras pour toi.

Une charge et un embarras pour Louis ! Ce mot le remit soudain dans un chemin plus droit en commençant sa honte. Il avait eu une fois cette pensée, mais secrète, rampante comme un reptile et il l’avait étouffée. Non, ce qui l’excitait maintenant était du moins plus noble, que Lévise le sût bien ! Il resta un moment comme un homme qui se dégage d’entraves multipliées. Lévise continua : J’ai beaucoup plus de peine que tu ne crois d’avoir été cause des méchancetés des paysans contre toi. J’aurais voulu que tout tombât sur moi seule. Mais je t’assure que Guillaume… non… c’est abominable…

Elle lutta contre les larmes et reprit : Tu ne le crois que parce que tu t’es troublé la tête. Oh ! j’aurais mieux fait de me jeter à l’eau comme j’en ai déjà eu l’idée. Au moins toi… tu aurais été plus heureux…

Pour la troisième fois de la journée, ses larmes coulèrent, âcre ablution de ses péchés, la pauvre fille ! Louis en reçut un choc qui le ramena encore davantage à des