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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/99

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sait aussi que Lévise était peut-être à jamais compromise et s’écartait du seul homme qui, par la tendresse, pût la dédommager de cette fâcheuse situation.

Il se réfugia à l’auberge afin d’essayer de ne penser à rien. Il joua aux cartes avec l’aubergiste en buvant du vin blanc, du vin qui fait mal aux nerfs. Il perdit un dîner contre cet homme et le vieux capitaine retraité, appelé Pasteur, qui prenait là ses repas. Il dîna avec eux, bavarda et rentra gris, ainsi qu’il avait cherché à l’être.

Le matin il se sentit en proie à une mélancolie pesante, intense, à un malaise de l’esprit qui le ramena à l’auberge où il recommença la vie de la veille.

Pendant la nuit, son sommeil fut mauvais. Louis eut une sorte de cauchemar : il rêva que les paysans jetaient des pierres à Lévise, qu’elle fuyait poursuivie, en appelant le jeune homme à son secours ; une force invincible clouait celui-ci au sol. Le frère de Lévise s’élançait sur lui avec un couteau… Louis s’éveilla en poussant un cri.

Au petit jour il se rendormit, mais quand il se leva, il était abattu, inquiet ; la conversation avec Euronique occupait obstinément son cerveau ; il y vit une persécution contre Lévise, innocente.

Les figures de Cardonchas et du beau Guillaume l’assiégèrent ; il lui semblait que les deux paysans obsédaient Lévise, ne la quittaient plus, et que, comparant leur grossièreté à la tendresse mieux apprise du jeune homme, elle le regrettait. Son imagination lui représentait la jeune fille appartenant désormais aux paysans, gardée à vue par eux et ne pouvant plus revenir vers lui, tandis qu’elle se débattait et souhaitait en vain du fond de son cœur voler vers celui qui l’aimait.

Et si elle était partie, si elle était tombée dans ce péril,