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Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/131

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et sur l’épaule avec des plis de mantille madrilène, animent les vallonnements des champs. La file serrée et hâtive serpente entre les seigles poussant leurs premiers jets, à côté du rivelet ombragé de saules, le long des courtils et des vergers où les poiriers se sont poudrés de leur neige odorante. Et dans le village, ces groupes de l’agreste terroir se confondent avec les hordes urbaines, braillant, vociférant, apportant dans la localité paisible les allures canailles, les bousculades tapageuses des impasses et des ruelles des quartiers pauvres. Cette houle humaine converge vers l’église déjà remplie dès l’aube par les pèlerins.

L’affluence repoussée de l’intérieur du sanctuaire déborde d’abord dans le cimetière s’étendant en terrasse à l’entour, puis sur les degrés qui y conduisent, puis sur le parvis où le ressac des allants se rencontre avec le remous des venants. Sur la foire, les marchands s’époumonnent, les cloches, les crécelles, les tambours tempêtent à la fois. C’est le moment du coup de feu pour la vente ; maintenant et plus tard encore, à la sortie de la messe.

Les murs du cimetière sont noirs de dos de pèlerins, assis en rangs serrés, se reposant des fatigues d’une longue traite pédestre. Le champ de repos a l’aspect d’un campement, d’un bivouac. Les morts sont oubliés. On s’étend, on mange même sur les tertres des tombes gazonnées. Pendant ce temps, une procession interminable fait le tour de l’église au dehors, marmottant des prières, égrenant des chapelets, s’avançant impassible en traçant comme un long sillage dans la cohue des curieux.