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Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/132

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Ils n’écoutent pas le tumulte qui monte de la mêlée turbulente ; ils sont sourds aux chansons et aux propos des falots ; c’est à peine si leurs yeux regardent ces impies qu’ils coudoient et s’ils répondent par un froncement de sourcil aux gravelures des sceptiques.

Le monde n’existe plus pour eux. Ils ne songent qu’à remplir scrupuleusement le vœu d’où dépend la guérison d’un être aimé ; la vie de l’enfant qu’ils continuent à serrer contre leur poitrine ou à traîner par la main, comme tout à l’heure sur la route. Ils s’agenouillent devant les diverses stations de piété, les calvaires, figurés de distance en distance, et s’absorbent dans leurs génuflexions, rigides, agitant seulement les lèvres et les doigts, au risque d’être piétines et écrasés par la fourmilière humaine toujours plus compacte.

Seuls, des marchands de cierges ou des mendiants, plus hideux encore que ceux de la grand’route, adossés au pied des contreforts du temple, geignant à présent dans un tutti discordant, parviennent à tirer ces pèlerins de leur extase religieuse. Aux uns ils achètent le luminaire votif, aux autres ils accordent l’aumône en échange d’une prière, d’une de ces intercessions de gueux, agréables au Ciel.

Par intervalles, en passant devant les portes de l’église, larges ouvertes, et lorsque le tapage de la kermesse décroît momentanément, on entend les mugissements solennels de l’orgue, les voix des prêtres psalmodiant et des bouffées d’encens mêlent leur essence mystique aux gros parfums de la foire.

À l’intérieur du temple, sous le resplendissement des