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Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/20

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baes. Il entrait dans les conditions de l’arrangement que Baut dînerait chez les Domus. À midi, dans la cuisine, assis entre Klaes et Zanne, servi par Lusse et Katto, l’aspirant tailleur ne considéra que son écuellée de garbure et sa platée de pommes de terre au lard étuvées, et se désintéressa complètement du caquetage des trois sœurs. Lorsque les aînées, à la fin de cette journée d’épreuve, eurent fait le compte des paroles prononcées par l’apprenti et constaté que Lusse ne lui en avait pas arraché une de plus qu’elles-mêmes, elles s’endormirent complètement rassurées.

Un jour Domus découvrit que ce morveux taciturne avait appris la musique et tirait de son cornet-à-piston des sons à réveiller les ancêtres. Or, la fanfare « Onder Ons » ou Entre-Nous, tenant chaque jeudi soir ses répétitions au Bœuf bigarré, Klaes Domus, toujours pratique, introduisit son apprenti dans cette musicale phalange. Le baes d’estaminet convertissait de cette façon en client régulier l’apprenti que le maître-tailleur nourrissait.

Le talent du blanc-bec émerveilla toute l’assemblée. Ce gringalet disposait de tuyaux aussi puissants que l’orgue et donnait plus d’accent au solo de sa trompette que le grand Warrè, le fils du cabaret Au Sabot, premier chanteur de la chapelle Cœcilia, en trouvait au jubé pour un Gloria in excelsis ou un Credo. Depuis cette soirée, Warrè prit en grippe Rombaut Flips.

Mais personne n’admira le soliste nouveau comme Lusse Domus ; seulement elle n’en fit rien voir. Dès l’entrée du gamin, elle avait été remuée. Des ardeurs de jeunesse mal réprimées se révoltèrent. Honteuse, elle