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Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/208

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trio provenait d’une sorte de ciboire que chacun des nains portait à l’occiput et dans lequel ardait une liqueur magique.

— Esprit redoutable, quelles sont ces apparitions plus terrifiantes encore ? murmura Stann reculant à l’approche des kobolds.

— Comment ? Tes entrailles paternelles ne te les nomment pas ? Ce sont pourtant tes enfants de dilection : le premier s’appelle Paresse, le second Délire, le troisième Ruine. En attendant le quatrième, qui naîtra bientôt et qu’on nommera Crime, voici que t’accueille leur mère, ta femme, l’horrible Ivrognerie. Va, cours l’embrasser…

En effet, une quatrième figure, celle-ci longue, décharnée, hâve, le torse en forme d’alambic, les membres allongés comme des tuyaux de serpentins, la tête en façon de cornue transparente, sans yeux, dans laquelle luisait la même affreuse liqueur, s’avançait à son tour, et sa marche lente faisait le bruit d’un clapotement de gouttières, d’un glougloutement de bouteilles, d’un hoquet de buveur. Une autre de ces dépouilles vagues que le pauvre terrassier craignait de distinguer trop tôt, chargeait l’épaule de la monstrueuse créature…

Titubante, elle l’atteignait. Il voulut fuir, mais le bras de fer du Génie le rivait sur place.

— Salue ta famille nouvelle ! prononça-t-il. Tu lui livras tes anciennes amours. Les quatre cercueils sont prêts ; et voici les fossoyeurs.

À ces mots les fantômes déposèrent chacun leur fardeau sur le sol. D’un geste éperdu, Stann écarta les linceuls recouvrant ces formes.