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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/101

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Une Vierge folle

Condamné des amants moins dévoués qu’André,
Ayant le cœur moins plein de cet être adoré.

Joignez à ce portrait l’air de mélancolie,
Le sourire fatal, l’étrange anomalie
D’un regard plein de feu, d’éclairs, de passion,
Et d’un front désolant de résignation.
Et telle, un soir de juin, évoquant sa pensée,
André la rencontra seule sur la chaussée.

Elle voulait le fuir, mais il était trop tard :
André tenait son bras, fébrile, l’œil hagard.

« Non, tu m’écouteras, disait-il. Dieu t’envoie
Cette nuit sur ma route. À la douleur en proie,
Je ne lui demandais, par dernière pitié,
Que de te revoir, toi, qui m’as répudié.
Hélas ! tu ne sais pas à quel sort me condamne
Ton implacable oubli, ma belle et froide Jeanne ;
Tu ne sais ce que souffre un cœur comme le mien…
Lorsqu’il perd ton amour… ton amour, son soutien !
Ô Jeanne, c’est un rêve, et trop longtemps il dure.
Il est temps d’abréger cette affreuse torture.
Tu n’a pas oublié le passé pour jamais,
Jeanne…, les jours de notre enfance, où tu m’aimais…