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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/102

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Une Vierge folle

Tu sais. Quand nous allions secouer des noisettes,
Tu me faisais alors de gentilles risettes,
Ta main ne tremblait pas au toucher de ma main…
Tu ne m’évitais pas, alors, sur le chemin…
 
Dis. Les larges torrents que je passais sans crainte :
Je pouvais te porter dans mes bras… Ton étreinte
Me faisait tant de bien !… J’entrais pieds nus dans l’eau.
Et tes cheveux frôlaient les branches du bouleau.
Autour de nous grondait l’onde et volait l’écume.
Tu tremblais… Je riais… Tu n’étais qu’une plume
Pour moi… Je t’enlevais sans le plus faible effort,
Et c’était à regret que je touchais le bord
Et que je déposais cette charge mignonne.
Oh ! je trouvais alors l’existence si bonne !

Dis. Te rappelles-tu les charrettes de foin
Où nous étions juchés quand nous venions de loin,
Et dont les conducteurs nous prenaient au passage.
Tu dormais bien souvent dans mes bras, ton visage
Penché sur mon épaule. Et je ne bougeais pas.
Je craignais que les bœufs ne fissent un faux pas…
Tu dormais comme un ange… Et souvent sur ta bouche
Je prenais un baiser… « Dors ! Ce n’est qu’une mouche »,