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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/131

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Raymonne

Se réveillaient plus gais, plus joyeux et plus fous.
Le ciel avait ces tons d’ébauche purs et doux
Qui ne sont point l’azur et ne sont point le rose,
Mais planent entre deux, comme, avant d’être éclose,
La fleur n’a point de forme et n’a point de couleur,
Mais est ce tendre objet, bouton, chose éphémère,
Qu’on aime d’autant plus qu’elle est plus passagère,
Car la fragilité lui donne sa valeur !
Puis, les nids s’animaient : c’était une harmonie
De becs à peine ouverts et d’ailes qu’on déplie.

Il sortait du sol gris on ne sait quelle paix
Capable d’émouvoir les cœurs les plus épais.
Des effluves d’amour, d’innocence touchante,
Circulaient dans l’air vif. Ce qui palpite ou chante,
Les trilles des moineaux, les cloches du sonneur,
Révélait un désir d’universel bonheur.

Que la verdure était resplendissante et fraîche !
Sur les murs de Gisors, forteresse revêche,
Ce gai matin avait glissé l’estompe d’or.
Dans les fossés profonds, où coule une onde noire,
L’enchanteur avait mis comme un ruban de moire
Si brillant qu’il tentait l’oiseau dans son essor.