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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/152

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La Guigne

Et font claquer la langue avec béatitude,
Puis courent prendre part au potin d’habitude. —
Peintre du clair-obscur, que n’es-tu là, Rembrandt !

Entre les deux trottoirs, entassés pêle-mêle,
Les enfants de tout âge et de sexes divers,
Poussahs qui pendaient hier encore à la mamelle,
Bonshommes de dix ans pullulent comme vers,
Accroupis à plat ventre et montrant à travers
Les haillons des blancheurs que la crasse pommelle.

Les uns minois rosés aux blonds cheveux soyeux,
Les autres bruns et noirs, à tignasses crépues,
Des prunelles d’onyx ou d’azur dans les yeux,
Ils jettent dans le flux d’haleines corrompues
Que suintent par les murs les taudis dans les rues
Quelque chose du souffle angélique des cieux.

C’est l’heure où l’atelier libère ses captives.
Les grisettes s’en vont, bras dessus, bras dessous,
Se déhanchant, les yeux en coulisse, lascives,
Leurs poitrines crevant les minces canezous,
De la voix et du geste attirant les voyous
Et les ensorcelant à grands coups d’invectives.