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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/159

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La Guigne

« Comment ! l’enfant trouvé sur qui le quartier glose,
Cette fille sans nom, sans feu, sans gîte, elle ose,
Fruitière, notre sœur, ainsi te rudoyer ! »

Et chacune a trouvé l’occasion propice
Pour régler l’ancien compte et se venger enfin
De celle qui soumet les forts à son caprice :
C’est l’instant d’écraser ce joli meurt-de-faim.
« La Guigne, ton bon ange est bien leste et bien fin
Si tu sors de ce pas sans une cicatrice. »

Il intervint pourtant, Deus ex machina,
Comme la Providence à la fin d’un long drame,
Le défenseur. Il fit que la chance tourna
Du côté de la Guigne ; et, quoique le programme
Ne l’eût pas annoncé, son poing défit la trame
Du complot, et sa voix comme Jupin tonna.

En moins de temps qu’il faut pour souffler sa bougie,
Pour voler un baiser, pour perdre son argent,
Pour faire d’un ami défunt l’apologie,
Pour raconter la Bible à l’homme intelligent,
Pour donner une aumône à l’aveugle indigent,
Pour casser un goulot dans une folle orgie,