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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/172

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La Guigne


Il dormait, le colosse ; il soufflait bruyamment.
L’ineffable bonté, la paix, la confiance,
Illuminaient son front de leur nimbe charmant.
Des femmes il n’avait pas encor la science :
Les froides Dalilas donnent l’expérience
Aux Samsons généreux, perdus en les aimant.

Ah ! si le Veloureux avait vu cette moue,
Ce rire dédaigneux qui contracte la joue,
De sa brune maîtresse aurait-il deviné
Que son amour allait le rendre infortuné,
Son cœur étant de ceux avec lesquels se joue
La femme sans tendresse à qui l’on s’est donné ?

Sur les sommets abrupts de la Jungfrau glacée,
Depuis le premier jour la neige est entassée.
Neige d’argent, blancheur, jamais un pied humain
N’a tracé dans ta plaine un profane chemin.
On la voit, au couchant, rougir embarrassée,
Comme monte au front pur un pudique carmin.

Elle vaut son doux nom de vierge au mont sévère.
Un chasseur de chamois, à ses heures trouvère,
Au Giesbach me conta l’histoire que voici,