Aller au contenu

Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
La Guigne


Comme Sardanapale, il aura son bûcher
Rouge de pourpre et d’or. Dans cette apothéose,
Aux couleurs d’arc-en-ciel que l’homme a beau chercher,
Mais que n’ont pu trouver ni les vers ni la prose,
Vaste tache de sang, il donne un reflet rose
À la blancheur. C’est tout : rien ne peut la toucher.

C’est en vain que la flamme aspire à correspondre
Avec ce blanc linceul, presque immatériel,
Qui semble la toison des étoiles du ciel
Que le Pasteur divin à chaque hiver fait tondre :
La neige sur le mont narguera le dégel.
Cette glace, ô soleil ! tu ne pourras la fondre !

Ainsi le printemps passe ; on arrive en juillet.
Un jour qu’impatient d’ardeur l’astre superbe
Sur sa tige flexible avait courbé l’œillet,
Fatigué l’arrosoir qui parfois le mouillait,
Tari la pauvre source et partout brûlé l’herbe ;
Alors que ses rayons d’aplomb lançaient leur gerbe,

Tout à coup sur la lande alpestre, en plein midi,
La neige, qui n’avait jamais senti l’atteinte
De ces chaleurs d’été, tressaillit sous l’étreinte,