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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/175

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La Guigne

Sous le baiser de feu du soleil ébaudi.
C’en était fait, la vierge austère était contrainte,
Et l’amant devenait de plus en plus hardi.

Son haleine de feu pénétrait la chair nue.
« Oh ! disait-il, je t’aime et tu seras à moi !
Viens, neige, goutte d’eau, remonte dans la nue ;
Sur un rayon puissant, sublime palefroi,
Je t’emporte… Il est temps de calmer ton émoi…
Ah ! tu m’as fait souffrir… Mais la grâce est venue. »

Mais la neige était prude et méchante, et, plutôt
Que de voler vers l’astre, elle sauta, rapide,
La pente du glacier, devint ruisseau limpide.
Les efforts du soleil, hélas ! gonflaient le flot,
Et le torrent braillard, impudent, au galop
Passant par là, surprit la cascade stupide,

L’emporta dans sa course et la fondit en lui.
Depuis lors, le soleil bien des étés a lui
Sur les sommets glacés. Ses rayons ont beau faire,
C’est toujours le torrent que la neige préfère
Que d’amants bien doués il est sur notre sphère
Dont la maîtresse avec un drôle s’est enfui !