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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/180

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La Guigne

Elle va revenir près de lui, c’est certain.
Il se calme, il attend, il la dépiste en vain
Dans la foule… Il ne voit pas celle qu’il désire.

La débandade suit son train vertigineux ;
La polka débonnaire en galop fou s’achève ;
La chaîne du quadrille ouvre et ferme ses nœuds ;
Les couples emportés se succèdent sans trêve,
Passent pour repasser après comme en un rêve,
Et lui les suit toujours d’un regard soupçonneux.

Il restait adossé, songeur, les pensers mornes.
La voix de tout à l’heure, écho de Gavarni,
L’accosta : « Cocardeau, mon cher, as-tu fini
De t’amuser ainsi ? Tu dépasses les bornes,
Beau volatile. As-tu ramassé dans ton nid,
Horresco, referens ! une paire de cornes ? »

Ôtant son masque alors, soufflant comme un taureau
Piqué par l’aiguillon du banderillero,
Il courut, dans les rangs opérant sa trouée.
Tout à coup il la vit, dans un coin engouée,
S’éventant aux côtés d’un blond godelureau.
Celle qu’il adorait n’était qu’une rouée.