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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/181

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La Guigne


Il s’élança, marcha sur elle. Par malheur
Un danseur bousculé l’interpella maussade.
La colère le prit ; il changea de couleur,
Empoigna d’une main le quidam querelleur,
Et, comme un bateleur fait voler la muscade,
Il envoya rouler l’homme à la cantonade.

Puis il reprit sa course… Il avait fait trois bonds…
On criait : « À la porte ! Arrivez, la police ! »
Et, comme il soulevait ses deux poings furibonds,
Prêt à frapper la Guigne et son faible complice,
Il se sentit saisi ; cinq agents de service
Lui disaient : « Camarade, ailleurs les lits sont bons. »

L’églogue avait failli devenir épopée.
Il se laissa conduire à travers le remous.
Son cœur se détendait comme sa main crispée…
Des larmes l’oppressaient ; il redevint très doux ;
Il tremblait comme un fût de colonne sapée,
Car dans son désespoir se noyait son courroux.