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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/193

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La Guigne


La lutte fut affreuse au fond du gouffre amer…
Gaston se débattait, mais la serre était forte.
Quand la main se rouvrit, la victime était morte,
Et le courant fatal l’entraînait vers la mer ;
Et quelques jours après, à Douvre, un coroner
Ausculterait ce corps que la vague lui porte.

Le meurtrier revint, la tête à fleur des flots.
Il regarda. Les cris, les spasmes, les sanglots,
Avaient cessé déjà dans le silence et l’ombre.
Les astres, ces témoins, étincelant sans nombre,
Lui parurent alors entourés de halos
Que teignait un sang rouge. Et la vague était sombre…

Le cœur a des retours. Celui du Veloureux
N’eut plus qu’un seul désir : sauver la femme aimée.
Un meurtre suffisait : sa haine était calmée.
Il aperçut la Guigne au-dessus des flots creux.
Les yeux fermés, la lèvre pâle, inanimée.
Elle flottait le front élevé vers les cieux.

Il nagea, la saisit, lui soutenant la tête.
En atteignant la rive, il était épuisé.
Il réchauffa le corps, qu’il avait déposé