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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/75

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La Vengeance de Phanor

Ressemblant au gibet, mais portant des fanaux,
En guise de pendus, au crochet de leur chaîne.

Le jour, cette campagne est peut-être sereine.
Par une nuit d’été, quand les astres épars
Mêlent leur pur argent au blanc des nénuphars,
Quand, charriant de l’azur et non pas un flot d’encre,
La rivière permet parfois de jeter l’ancre
Au batelier rêvant sur le pont goudronné,
Peut-être aussi Phanor s’était-il promené
De ce côté, trouvant divine l’existence.
Mais maintenant bien longue apparaît la distance,
Bien froid le vent d’hiver, bien sinistre la nuit,
Bien renfrogné surtout le promeneur qu’il suit.

Enfin l’homme s’arrête un instant sur la berge.
Est-ce ici ? Non. D’abord, prends du cœur à l’auberge !
On veille encor là-bas ; entre les volets clos
Filtre une lueur rouge, et quelques matelots,
Au dedans attablés, fêtent la Saint-Sylvestre.
Ce soir on ne suit pas les ordres du bourgmestre.
Nargue de la retraite et trêve au couvre-feu !
Minuit n’arrête pas la boisson et le jeu.