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LES FUSILLÉS DE MALINES

que venaient faire chez eux de si grand matin, ces rustauds de leur banlieue, mais dès l’instant qu’ils comprirent, ils décidèrent du même coup d’affecter non seulement l’indifférence, mais la plus profonde inertie. Race éduquée ils ne pouvaient rien avoir de commun avec ces intrus, avec ces pagnotes débraillés qu’ils dévisageaient comme des bêtes curieuses. Les plus hardis avec des chuchotements, des rires mal étouffés, se désignaient dans le cortège l’un ou l’autre va-nu-pieds, cheminant les mains vides ou armé, tout au plus, d’une gaule taillée en chemin.

— Mais c’est le dénicheur d’oiseaux ! s’exclama, à la vue de Tistiet, une marchande de moppes et de pains d’épices… Le joli porte-drapeau, ma foi ! C’est le cas de dire : Tant vaut l’enseigne, tant vaut la confrérie.

Sans se laisser rebuter par ces mines dégoûtées, ces regards qui les déshabillaient, ces narines scandalisées, Tistiet et ses compagnons agitaient leur drapeau, brandissaient leurs casquettes au bout de leurs armes ou de leurs outils, poussaient des