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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/132

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pour l’Orient, comme la Belgique pour l’Occident. Les difficultés sont énormes, dit-on ; je le sais ; mais que le génie des perfections sublimes émeuve notre peuple, et l’œuvre commencera.

— Oui, Mordecai, dit Pash, nous admettons tout cela. Quand nos grands hommes de la bourse et nos meilleurs professeurs seront convertis à ta doctrine, les difficultés s’évanouiront comme de la fumée.

Deronda, porté par nature à prendre le parti des faibles, ne put s’empocher de répondre à Pash :

— Si nous jetons un coup d’œil rétrospectif sur les efforts qui ont amené les grands changements, nous serons étonnés de voir combien il y en a eu qui parurent désespérés à ceux qui les envisagèrent au début. Prenez pour exemple ce que tous nous avons vu et entendu : l’effort tendant à l’unité de l’Italie. Regardez Mazzini lorsqu’il était jeune, et ses premières tentatives pour éveiller chez ses concitoyens les sentiments qu’il éprouvait, et pour les pousser vers l’unité nationale. Tout semblait contre lui : ses compatriotes étaient ignorants ou indifférents, les gouvernements hostiles, l’Europe incrédule. Il était naturel que les moqueurs fussent regardés comme des sages, et pourtant… vous voyez que la prophétie s’est réalisée… Aussi longtemps qu’existe une étincelle de conscience nationale, personne, je le suppose, ne niera que l’on puisse rallumer des souvenirs et des espérances capables d’inspirer une action tardive.

— Amen, fit Mordecai, pour lequel les paroles de Deronda furent comme un cordial. Ce qui est nécessaire, c’est le levain, c’est la semence de feu. L’héritage d’Israël bat dans le cœur de millions d’êtres ; il est dans leurs veines comme un pouvoir sans intelligence. Que la torche de la communauté s’allume ! que la raison d’Israël se dévoile dans un grand fait extérieur ! qu’il y ait une autre grande migration,