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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/15

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— Pas particulièrement, répondit Gwendolen avec une indifférence telle que l’on aurait pu croire que la jeune lady avait eu toute la vie tant de résidences de famille à sa disposition, qu’elle n’y prenait pas garde.

— Ah ! ce n’est pas aussi beau que Ryelands ! s’écria gaiement sir Hugo. Je sais que Grandcourt n’est venu à Diplow que pour chasser ; mais, ajouta-t-il en baissant la voix, il y a trouvé un trésor si inappréciable, qu’il doit préférer Diplow à n’importe quel endroit du monde.

— Diplow n’a qu’un attrait pour moi, dit Gwendolen en répondant à ce madrigal par un sourire glacé, c’est qu’il est près d’Offendene.

— Je comprends cela, répondit sir Hugo qui laissa tomber le sujet.

Il aurait certainement été heureux que Grandcourt, avec ou sans raison, préférât toute autre place à Diplow ; mais il aurait désiré aussi que son dégoût pour cette résidence ne fût pas associé à son mariage avec cette charmante créature. Gwendolen plaisait tout à fait au baronnet, et, comme il le fit observer ensuite à lady Mallinger, il ne l’aurait jamais prise pour une demoiselle qui avait fait un mariage au delà de ses espérances.

Deronda n’entendit presque rien de cette conversation, son attention ayant été appelée ailleurs ; mais les indices qu’il tira de la manière d’être de Gwendolen renforcèrent en lui l’impression qu’elle avait quelque chose de nouvellement artificiel.

Plus tard dans la soirée, quand on passa au salon, Deronda, sur la demande d’un invité, se mit au piano et chanta. Madame Raymond lui succéda, et, quand il se leva, il s’aperçut que Gwendolen avait quitté sa place et qu’elle était allée au bout du salon, comme pour mieux entendre ; elle se tenait debout et tournait le dos à la société, parce que, en apparence, elle examinait avec intérêt