Aller au contenu

Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Klesmer ; je me suis rebutée, car je n’aime pas la médiocrité et je crains de ne pouvoir jamais la dépasser. Je crois que c’est une doctrine qui diffère de la vôtre, ajouta-t-elle en regardant Klesmer, qui répondit aussitôt :

— Non, si elle signifie que cela vaudrait la peine pour vous d’étudier davantage, et pour miss Lapidoth d’avoir le plaisir de vous y aider.

Il s’éloigna après avoir ainsi parlé, et Mirah, qui prenait tout avec un sérieux naïf, répondit :

— Si vous croyez que je puisse vous apprendre quelque chose, j’en serai très heureuse. J’ai l’ambition d’enseigner, mais je ne fais que commencer. Si je m’en acquitte bien, ce sera parce que je me souviendrai de quelle manière mon maître me donnait ses leçons.

En réalité Gwendolen était trop incertaine d’elle-même pour être prête à répondre à cette simple promptitude de Mirah, et, dans son désir de changer de sujet, elle dit :

— Vous n’êtes pas à Londres depuis longtemps, je crois ? Vous avez peut-être connu M. Deronda à l’étranger ?

— Non ; je ne l’avais jamais vu avant de venir en Angleterre, l’été dernier.

— Mais il vous a vue souvent, n’est-ce pas ? Il vous a beaucoup entendue chanter ? continua Gwendolen autant poussée par l’envie d’apprendre quelque chose sur Deronda que par l’embarras de continuer un entretien vide d’intérêt pour elle. Il m’a fait de vous le plus grand éloge. Il semblait parfaitement vous connaître.

— J’étais pauvre et j’avais besoin de secours, dit Mirah d’une voix attendrie, et M. Deronda m’a donné les meilleures amies qui soient au monde. C’est la seule manière dont il a su quelque chose de moi, car il était très affligé pour moi-même. Je n’avais point d’amis quand je suis venue. J’étais dans le malheur. Je lui dois tout.

Cette réponse fut délicieuse pour Gwendolen ; elle se