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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/160

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que je deviendrais bien différente si vous vous teniez aussi près de moi que possible, et si vous vouliez croire en moi.

Elle ne le regardait pas en parlant ; ses yeux ne quittaient pas le manche de l’éventail qu’elle tenait à la main. Après ces derniers mots elle se leva et alla reprendre sa première place qui était demeurée vacante, et Mirah commença de sa voix délicieuse à chanter l’air si plein d’émotion, Per pietà non dir mi addio !

Pour Deronda, cette mélodie fut, pendant un moment, comme la prolongation des protestations de Gwcndolen ; une sollicitation de quelque chose de vague et de pénible, inconciliable avec les conditions présentes, à laquelle cependant il était difficile de résister.

— Savez-vous que j’envie votre sort ! vint lui dire Hans. Être assis à côté d’une belle duchesse, et avoir avec elle une querelle sans doute très intéressante !

— Une querelle ? répéta Deronda étonné.

— Oh ! sur la théologie sans doute, rien de personnel. Elle vous aura dit comment vous devez penser, puis elle vous a quitté avec un air de majesté admirable. Est-elle antinomienne ? En ce cas, dites-lui que je suis un peintre antinomien et veuillez me présentera elle. J’aimerais faire son portrait et celui de son mari. Il a cette sorte de beau physique que le duc doit avoir dans Lucrezia Borgia, — si cela s’accorde toutefois avec un beau baryton, — ce qui ne se peut pas.

Deronda espéra que ce que disait Hans de l’impression que son entretien avec Gwendolen avait faite sur lui, n’était rien de plus qu’une de ces boutades fantastiques si communes chez lui. Quant à Gwendolen, elle n’était pas sans appréhension que son mari l’eût épiée et trouvé quelque chose à lui reprocher, — quelque chose contre sa dignité comme sa femme, sa conscience lui disant qu’elle n’avait