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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/167

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mère, continua Daniel qui ne voulait faire que progressivement sa déclaration ; mais remarquant chez son auditeur un mouvement d’anxiété, il continua :

— De cette mère, qui, pour elle comme pour vous, était la plus chère des créatures.

Mordecai, à ces mots, saisit convulsivement le poignet de Daniel ; il paraissait pétrifié.

— Votre prière a été exaucée ; Mirah a été délivrée du mal.

L’étreinte se relâcha un peu, mais Mordecai, haletant, laissa échapper un sanglot, sans cependant verser de larmes.

Deronda reprit :

— Votre sœur est digne de la mère que vous honoriez

Il s’arrêta, et Mordecai, s’appuyant contre le dossier de sa chaise, referma les yeux et prononça quelques mots hébreux, seulement perceptibles pour lui. On aurait dit qu’il conversait avec son objet aimé : son visage exprimait une douceur ineffable, et pour la première fois, Daniel discerna une ressemblance de famille avec Mirah.

Quand Mordecai fut assez remis pour l’entendre, il lui raconta le reste ; mais en relatant la fuite de Mirah, il parla de la conduite de son père en termes vagues et appuya seulement sur son désir irrésistible de venir en Angleterre pour y retrouver sa mère. Il ne dit rien non plus de l’intention qu’avait eue la jeune fille de se noyer, ni du secours qu’il lui avait prêté ; il se contenta de décrire la maison où elle était, comme appartenant à des amis qui partageaient l’intérêt qu’il lui portait. Enfin il insista sur les sentiments de Mirah pour sa mère et son frère en rapportant tous les détails qu’il connaissait.

— Je procédais à mes recherches, dit-il en souriant, lorsque je vins dans cette maison ; le nom d’Ezra Cohen