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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/168

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était alors pour moi le nom le plus intéressant du monde. J’avoue que j’ai été longtemps craintif. Vous me pardonnerez, j’espère, de vous avoir questionné sur la fille de madame Cohen, la mère. J’étais inquiet de savoir quels pouvaient être les parents de Mirah. Mais je trouvai un frère digne d’elle quand je sus que son Ezra était déguisé sous le nom de Mordecai.

— Mordecai est réellement mon nom. Ezra Mordecai Cohen.

— Existe-t-il un lien de parenté entre cette famille et la vôtre ?

— Seulement la parenté en Israël. Je leur suis très attaché ; ils m’ont abrité et secouru avec l’affection de cœurs juifs. Il m’est doux de supporter leur ignorance et de leur être reconnaissant, afin de pouvoir conserver en esprit la pauvreté spirituelle d’un million de juifs et de ne pas remplacer la sagesse aimante par une science impatiente.

— Mais maintenant qu’un lien plus étroit vous attire, vous ne vous croyez plus obligé, j’espère, de continuer à vivre avec eux, reprit Daniel, non sans crainte d’une résistance à vaincre. Il est juste que vous habitiez avec votre sœur, n’est-il pas vrai ? Je vous ai fait préparer, non loin de ses amies, un appartement où elle ira vous rejoindre. Ne refusez pas, je vous en prie ; cela me permettra d’être plus souvent avec vous ; notamment aux heures où Mirah sera obligée de vous quitter. C’est de l’égoïsme de ma part, j’en conviens ; mais ma raison principale est que Mirah veut veiller sur vous et que vous devez lui accorder la tutelle d’un frère. Vous aurez des livres ; je veux étudier avec vous, et vous conduire voir la rivière et les arbres. Vous aurez le repos et le bien-être qui vous sont de plus en plus nécessaires, et je puis ajouter, dont j’ai besoin pour vous. C’est un droit que je m’arroge, maintenant que nous nous sommes trouvés l’un l’autre.