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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/183

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leux et Gwendolen le satisfaisait. Il n’aurait pas voulu d’une femme à laquelle il n’aurait pas apporté une élévation ; qui n’aurait pas commandé l’admiration par son maintien et sa beauté ; qui n’aurait pas eu les ongles de la forme la plus élégante ; qui aurait eu le lobe de l’oreille grand et rouge. Il ne croyait donc pas avoir mal choisi sa femme, et ayant pris pour lui la part du mari, il n’entendait pas être dupé, ni être vu sous un jour qui aurait pu le faire croire digne de pitié. Tel était l’état de son esprit, ce n’était pas de la jalousie ; cependant, à quelques égards, sa conduite ressemblait autant à la jalousie que le jaune ressemble au jaune, et l’on sait que cette couleur peut être l’effet de causes très diverses.

Il était venu à Londres plus tôt que de coutume, dans le désir de faire une consultation légale pour les dispositions de son testament, sur un transfert d’hypothèques, et sur cette transaction avec son oncle au sujet de Diplow, que l’amorce de l’argent comptant, adroitement lancée sans importunité, l’avait enfin décidé à accepter. Il avait, en outre, voulu présenter dans les salons du monde élégant la jolie femme qu’il avait choisie pour épouse, en dépit de ce qu’on avait attendu de lui. Il voulait qu’on la recherchât ; il était flatté de voir tous « ces drôles » accourir lui parler, l’escorter, la cajoler ; il n’aurait même rien trouvé à redire si elle avait joué un rôle de haute coquetterie ; mais ce qu’il n’aimait pas, c’était sa façon d’être avec Deronda.

Après la soirée musicale de lady Mallinger, où Grandcourt avait remarqué aussi bien que Hans l’entretien qui avait eu lieu sur le canapé, ce qui fut extrêmement caractéristique de sa part, c’est qu’il invita Deronda à venir chez lui avec les Mallinger, afin que personne ne pût supposer que la présence ou l’absence de ce jeune homme fût de la moindre importance pour lui. Il ne fit à Gwendolen aucune observation directe sur sa manière d’être à cette soirée ;