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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/182

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XLVI


L’importance de Grandcourt comme sujet anglais était du genre éminemment passif qui consiste à hériter de la terre. Les mouvements politiques ou sociaux ne le touchaient qu’en ce qui concernait ses revenus ; il ne les envisageait que dans les colonnes des meilleurs journaux. Pour lui, les Allemands, les commerçants, les électeurs ne valaient pas un cigare, et il les désignait en bloc sous l’épithète de « brutes ». Avouons cependant que, dans la sphère de ses intérêts personnels, Grandcourt déployait les qualités d’un diplomate consommé.

Pas un geste, pas un mouvement de Gwendolen se rapportant à Deronda ne lui échappait. Si on lui avait dit qu’il était jaloux, il l’aurait nié, car la jalousie aurait impliqué un doute sur son pouvoir à empêcher tout ce qui lui déplaisait. Que sa femme eût plus d’inclination pour un autre que pour lui, cela ne le peinait pas ; ce qu’il exigeait d’elle, c’était qu’elle sût que son inclination ne pouvait le mettre en contradiction avec ce qu’il avait résolu. Il ne se repentait ni de son choix ni de son mariage : il avait le goût méticu-