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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/19

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personne ne le peut, si elle a vu déjà qu’elle s’est trompée. Il me semble qu’elle est entièrement dépourvue des idées qui pourraient l’aider. Mais que sais-je d’elle ? Il y a peut-être en elle un démon capable de dompter le pire des maris. Il est clair pour moi qu’elle a été une jeune fille mal élevée ; elle est mondaine ; peut-être coquette !

Cette dernière réflexion, à laquelle il ne croyait pas beaucoup, lui était inspirée comme mesure de prudence contre les plaisanteries de sir Hugo sur la coquetterie en général. Deronda résolut de ne pas s’engager volontairement dans un tête-à-tête avec Gwendolen pendant son séjour à l’abbaye, et il était capable d’exécuter sa résolution, en dépit d’une forte inclination à faire le contraire.

Mais un homme ne peut rien résoudre quand il s’attaque aux actions d’une femme, et encore bien moins à celles d’une femme comme Gwcndolen, dont la nature était une combinaison de réserve orgueilleuse et de témérité, de terreur et de défi, pouvant tour à tour flatter et déconcerter le contrôle. La qualification de coquette était celle qu’on lui aurait appliquée avec le moins de justesse.

Elle avait un amour inné pour l’hommage et la soumission à son pouvoir, mais point de froid artifice dans le but d’enchaîner un cœur. La croyance de la pauvre femme en son pouvoir ainsi que d’autres rêves d’avant son mariage, avaient déjà été jetés de côté, comme les jouets d’un enfant malade, qui les considère avec des yeux attristés, mais qui n’a pas le cœur de les reprendre, quoi qu’il puisse essayer de le faire.

Le lendemain au lunch, sir Hugo lui dit :

— Le dégel est arrivé comme par magie ; il fait très doux dehors ; allons-nous voir les écuries et autres vieilleries de la maison ?

— Oui, volontiers, répondit Gwendolen. Aimeriez-vous à voir les écuries, Henleigh ? demanda-t-elle à son mari.