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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/193

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avait pu lui écrire qu’elle les avait longtemps portés et d’autres aménités analogues, telles qu’en usent ordinairement les femmes jalouses. En se servant de Lush, il n’entendait pas faire une insulte à sa femme ; elle devait comprendre que c’était le seul intermédiaire possible en cette occurrence.

Un matin qu’elle était assise à lire dans son boudoir, il entra, ses gants et son chapeau en mains, et lui dit de son ton traînard le plus persuasif et d’un air de bonne humeur :

— Gwendolen, ma chère, certaines affaires touchant ma fortune doivent vous être expliquées. J’ai chargé Lush de vous donner ces renseignements. Il sait tout ce qui s’y rapporte. Je sors ; il va venir. C’est le seul homme capable de vous fournir ces explications. Je présume que vous ne refuserez pas de le recevoir.

— Vous savez bien le contraire, dit-elle en se levant furieuse, Je ne le recevrai pas ! — Et comme elle manifestait l’intention de sortir, Grandcourt s’appuya contre la porte. Il s’attendait à sa colère et n’en laissa voir aucune. Au contraire, il reprit d’un ton aussi calme que s’il avait répondu à une objection sur un dîner :

— Inutile de faire de l’embarras. Le monde renferme assez de brutes avec lesquelles on est obligé de parler : les gens qui ont du savoir vivre ne s’embarrassent pas pour de tels individus. Il y a une affaire à terminer : vous ne vous attendez pas à ce que ce soient des personnes aimables qui s’en chargent. Si j’emploie Lush, ce que vous avez de mieux à faire, est de considérer la chose comme toute naturelle. Donc ne faites ni bruit, ni embarras. À quoi bon branler la tête et vous mordre les lèvres pour des gens de cette espèce ?

Le ton traînard et les pauses avec lesquelles ces paroles furent prononcées donnèrent à Gwendolen le temps de