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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/194

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réfléchir et d’éteindre sa résistance. Qu’allait-on lui dire sur sa fortune ? Ce mot pour elle s’associait avec sa mère d’abord, ensuite avec madame Glasher et ses enfants. Pourquoi ne recevrait-elle pas Lush ? Demander à Grandcourt de s’expliquer lui-même eût été intolérable, en admettant qu’il y eut consenti ; et puis, elle ne pouvait supporter davantage l’humiliation d’être prisonnière de ce mari qui barrait la porte ; elle s’éloigna et alla s’appuyer contre un nécessaire en voyant Grandcourt s’avancer.

— Je me suis arrangé pour que Lush vienne pendant que je serai parti. Dois-je lui dire de monter ?

— Oui, répondit-elle après une pause, en détournant la tête et en baissant les yeux.

— Je reviendrai à temps pour pouvoir faire un tour à cheval si vous êtes prête. — Point de réponse. — Elle est dans une rage terrible, pensa-t-il ; mais la rage demeura silencieuse et, par conséquent, ne lui déplut pas. Il s’avança encore, lui prit le menton, l’embrassa et sortit.

Elle n’avait pas fait le moindre mouvement. À quoi devait-elle se résoudre ? En scrutant sa conscience, elle ne trouva pas matière à une juste plainte. En épousant cet homme, elle avait eu quelques illusions romanesques qui lui avaient fait croire qu’elle pourrait user de son pouvoir sur lui comme elle le voudrait ; tout à l’opposé, c’était lui qui en usait avec elle comme il l’entendait. Elle considérait la démarche de Lush comme une sorte d’opération chirurgicale, de cautérisation, à laquelle elle devait se soumettre. Pour Lush, sa tâche ne lui plaisait ni ne lui déplaisait, et Grandcourt, en le quittant, lui avait dit :

— Ne vous faites pas plus désagréable que la nature ne vous y oblige.

« Cela dépend », se dit Lush ; puis tout haut, il ajouta :

— Je vais en transcrire un extrait que lira madame Grandcourt ; mais il ne dit pas qu’il ferait toute la communi-