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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/196

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d’autant plus insolentes, que ses yeux proéminents et le pronom « vous » étaient d’une familiarité grossière. Il aurait dû lui remettre le papier et lui parler à la troisième personne. Elle se contenta de faire un petit signe d’acquiescement, et Lush continua avec un peu de gêne :

— Ma position de confiance auprès de M. Grandcourt, pendant quinze ans et plus, me fait, tout naturellement, une situation particulière. Il peut me parler d’affaires dont il lui serait impossible de s’entretenir avec tout autre, et dans celle dont il s’agit, il ne pouvait employer personne que moi. J’ai donc accepté par amitié pour lui. Telle est mon excuse au cas où vous auriez préféré que ce fût un autre.

Il s’arrêta de nouveau, mais elle ne bougea pas, et Lush, pour se donner une contenance, déplia le papier et fit semblant de le lire avant de reprendre la parole.

— Ce papier contient un extrait du testament de M. Grandcourt, dont il a voulu que vous connussiez une partie. Daignez y jeter les yeux. Cependant, j’ai quelque chose à dire en manière d’introduction et j’espère que vous me pardonnerez, car ce n’est pas tout à fait agréable. — Lush, qui trouvait qu’il se comportait mieux qu’il ne s’y était attendu, ne se doutait pas combien il l’insultait avec son « pas tout à fait agréable ».

— Dites, je vous prie, ce que vous avez à dire, sans vous excuser, fit Gwendolen avec le même air dont elle aurait reçu un goujat venant réclamer une récompense pour avoir retrouvé le chien qu’il a volé.

— Je dois vous rappeler une chose qui est arrivée avant votre engagement avec M. Grandcourt, reprit Lush, disposé à se montrer insolent pour répondre à son mépris. Vous avez, si vous vous en souvenez, rencontré à Cardell-Chase une dame qui vous a parlé de sa position envers M. Grandcourt. Elle avait avec elle des enfants, entre autres un beau petit garçon.