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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/195

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cation par écrit, ce qui prouvait que l’entrevue ne lui déplaisait pas. Le testament renfermant une provision pour lui, il n’avait donc point de motif pour être de mauvaise humeur, quand même la mauvaise humeur lui aurait été habituelle. Il était convaincu d’avoir pénétré tous les secrets de la situation et n’y trouvait pas de plaisir diabolique. Il avait seulement de petits mouvements de ressentiment satisfait, en discernant que ce mariage donnait raison à ses prévisions, et que, pour l’arrogante jeune femme, il n’était pas aussi satisfaisant qu’elle avait pu s’y attendre. Dépourvu de pitié aussi bien que de volonté, il n’aimait que ses plaisirs personnels, et n’éprouvait d’aversion que pour ce qui y mettait obstacle ; toutefois, il n’était pas indifférent à l’idée d’être traité impoliment par une jolie femme, et se sentait satisfait que la commission dont il était chargé le mît à même de l’humilier s’il le voulait. Il ne pensait pas le faire sans nécessité ; mais il y a des gens dont la seule question : « Comment vous portez-vous ? » nous semble une offense.

Quand on annonça M. Lush, Gwendolen bien décidée à ne pas lui laisser voir la moindre trace de ses sentiments, quoi qu’il pût lui dire, l’invita à s’asseoir avec une imposante tranquillité. Après tout, que lui était cet homme ? Il ne ressemblait en rien à son mari, et elle détestait trop ce mari, pour haïr cet individu commun, aux manières familières, avec de grosses mains qui tenaient en ce moment un papier plié.

— Je ne crois pas avoir besoin de vous dire, commença-t-il, que je ne me serais pas présenté devant vous, si M. Grandcourt ne m’en avait exprimé le désir formel ; il vous l’aura dit, sans doute ?

De la part de certaines voix, ce langage aurait paru poli et même timidement apologétique ; Lush n’avait pas d’intention contraire ; mais pour Gwendolen, ses paroles furent