avec indignation. Moi, je ne le voudrais jamais. Qui a jamais pensé à le marier ?
— Moi, répondit Kate. Quand j’ai dessiné une noce pour un frontispice de « Cœur et diamants », je l’ai pris pour modèle de mon fiancé, mais je n’ai pas réussi à faire une femme digne de lui.
— Alors tu aurais dû voir madame Grandcourt, objecta madame Meyrick. Hans dit que, quand elle est à côté de M. Deronda, ils se valent. Elle est grande et belle. Mais vous la connaissez, Mirah, vous pouvez nous la décrire. Que pensez-vous de madame Grandcourt ?
— Elle ressemble à la princesse d’Éboli dans Don Carlos, dit Mirah, poursuivant en esprit une association qui n’était pas intelligible pour ses auditrices.
— Votre comparaison est une énigme pour moi, ma chère, fit madame Meyrick en souriant.
— Vous avez dit que madame Grandcourt est grande et belle, reprit Mirah un peu plus pale ; c’est parfaitement vrai.
L’œil scrutateur de madame Meyrick découvrit quelque chose qui n’était pas habituel : mais elle l’expliqua aussitôt. Les belles dames blessaient souvent Mirah avec leurs caprices de manières et d’intentions.
— Madame Grandcourt avait eu l’idée de prendre des leçons auprès de Mirah, dit madame Meyrick à Anna ; mais bien des dames ont parlé de prendre des leçons qui n’en ont pas trouvé le temps. Les dames à la mode ont tant à faire !
La conversation continua sans qu’il fût question davantage de la princesse d’Éboli. Cette comparaison avait échappé à Mirah sous la pression d’une angoisse qui ne ressemblait à rien de ce qu’elle avait ressenti jusque-là. Dès le commencement, cet entretien avait ravivé en elle des impressions désagréables, et la suggestion de madame Meyrick,