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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/249

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chant, c’était une indignation énergique contre le peu de profondeur de son contentement. C’est dans cette humeur qu’elle dit un jour :

— Sais-tu, Ezra, quelle est la différence entre toi et moi ? Tu es une source vive au milieu de la sécheresse, et je ne suis qu’une coupe de la grosseur d’un gland. Les eaux du ciel me remplissent, mais le moindre petit choc me renverse et me vide.

— Pourquoi ? Qu’est-ce qui t’a choquée ? demanda Mordecai.

— Des pensées, reprit Mirah, des pensées qui viennent comme la brise et me blessent… de méchantes gens… de mauvaises choses… la misère… et comment elles peuvent toucher à notre vie.

— Nous devons en prendre notre part, Mirah, elle est là !.. Quelles épaules pourrions-nous en charger, afin de nous en délivrer ?

Cette allusion lointaine fut le seul signe volontaire qu’elle donna du souci de son âme.