Aller au contenu

Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

brassa ; puis elle alla s’asseoir sur le sofa d’un air d’assurance et de dignité bien différent de l’agitation et du malaise qu’elle avait montrés lors de leur première entrevue, et fit asseoir Deronda à côté d’elle.

— J’espère que vous êtes tout à fait remise, dit-il.

— Oui, je suis de nouveau bien. As-tu quelque chose à me demander ? fit-elle, plutôt comme une reine que comme une mère.

— Pourrais-je retrouver à Gênes la maison que vous habitiez avec mon grand-père ?

— Non. elle est démolie ; mais, pour ce qui concerne notre famille et les divers pays où a résidé mon père, tu trouveras tout cela dans les papiers du coffre, et plus en détail que je ne pourrais te le dire. Je crois t’avoir appris que mon père était médecin. Ma mère était une Morteira. J’ai su toutes ces choses sans les demander ; j’étais née au milieu d’elles sans le vouloir : je les ai bannies dès que je l’ai pu.

Deronda essaya de cacher le sentiment pénible qu’il éprouvait.

— Consentirez-vous à répondre à tout ce que je vous demanderai ? reprit-il.

— Je crois avoir déjà répondu à tout ce que tu pourrais me demander, répondit la princesse d’un ton froid et réfléchi.

On aurait cru que, dans leur précédente rencontre, elle avait épuisé toute son émotion. Elle s’était dit : « J’ai fait ce que je devais ; j’ai tout confessé ; je ne veux pas recommencer ; je tiens à m’épargner de nouvelles agitations, » et elle agissait en conséquence.

Ce moment fut cruel pour Deronda. Le but filial de toute sa vie se changeait en un pèlerinage désappointé vers un sanctuaire où n’existaient plus les symboles de la sainteté. Il comprenait tout ce qui manquait à la mère et à la femme et il lui dit avec tristesse :