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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/267

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bles, et c’est ce que nous pouvons faire ici de moins ennuyeux.

Gwendolen sentit son sang se glacer. Ce n’était pas seulement un désappointement cruel ; c’était aussi la conviction que son mari l’emmenait avec lui parce qu’il ne voulait pas la perdre de vue. Cette solitude à deux dans un bateau avait, sans doute, d’autant plus d’attraits pour lui, qu’il serait plus obsédant pour elle. Sa lueur de satisfaction s’éteignit aussitôt.

— Je voudrais bien ne pas aller en bateau, dit-elle, prenez quelque autre personne à ma place.

— Fort bien ; puisque vous ne voulez pas venir, n’en parlons plus, objecta Grandcourt. Si vous tenez à étouffer ici, soit.

— Je déteste les bateaux, reprit Gwendolen avec colère.

— C’est un changement de goût étrange, dit sarcastiquement Grandcourt ; mais, puisque cela vous déplaît, restons ici.

Il ôta son chapeau, alluma un cigare et se promena dans la chambre, en s’arrêtant parfois à la fenêtre. Gwendolen voulut persister dans sa résolution. Elle savait que Grandcourt ne sortirait pas sans elle ; mais s’il pouvait la tyranniser, il ne le ferait pas précisément de la manière qu’il avait choisie. Il resterait à l’hôtel. Elle passa dans la chambre voisine et se jeta tout en colère dans un fauteuil. Peu après Grandcourt entra, s’assit en face d’elle et dit de son ton traînard :

— Avez-vous fini maintenant, ou bien trouvez-vous amusant d’être en colère ? Vous faites des choses qui me sont très désagréables.

— Quelle nécessité y a-t-il pour vous de me les rendre désagréables ? dit Gwendolen qui sentait les larmes lui venir aux yeux.